En grandissant, j’étais mince. C’est après mon mariage, soit à l’âge de 20 ans que ça s’est transformé. J’étais dans une situation violente. Je me suis repliée sur moi-même. Je me suis réconfortée par la nourriture, au lieu de faire du jogging (oh, comme j’aurais aimé le faire, mais ce n’était pas une « chose à la mode » à cette époque). Mon mariage a pris fin, j’ai lutté contre des épisodes de dépression et j’ai eu une série de décès dans la famille. J’essayais chaque nouveau régime, certains avec succès, mais le poids perdu revenait ; et j’en regagnais, encore plus que celui que j’avais perdu. Mon poids s’est stabilisé et je me suis remariée, puis j’ai eu un bébé. Je n’ai pas perdu mon poids de grossesse, et il a même continué de grimper. Lorsque mon deuxième mariage chaotique a pris fin et qu’encore plusieurs autres décès sont survenus ainsi que d’autres épisodes de dépression ont surgi ; j’étais rendue à mon plus haut poids, soit 170 kg (375 lb). J’ai essayé un autre régime, j’y ai perdu plus de 36Kg (80 lb), je me suis crue sur la bonne voie. Pour quelles raisons voudrais-je revenir à nouveau à être aussi lourde ? Je me concentrais sur une alimentation saine, puis j’ai commencé à marcher beaucoup. C’est alors, au fil des ans, une série de problèmes de santé grave est survenue et que j’y ai repris presque tout mon poids. J’ai commencé à vivre avec la crainte de faire une crise cardiaque à tout moment à cause de mon surplus de poids. Récemment, à l’âge de 66 ans, j’ai dû subir des tests cardiaques liés à un autre problème qu’à celui de mon poids. J’ai là que j’ai découvert que mes artères vont très bien et que je n’ai pas besoin d’un pontage artériel lorsqu’ils feront ma chirurgie de remplacement valvulaire. Le fait de savoir que mes artères n’étaient pas toutes bouchées m’a aidé considérablement à améliorer mon attitude de fin du monde ; ce bien que je suis encore un peu inquiet au sujet de l’opération. Et en dehors de cela, j’aime ma vie. Particulièrement, depuis l’année dernière, puisque maintenant, j’ai emménagé dans ma suite « grand-mère », qui a été aménagée pour moi dans la maison de ma fille. J’ai maintenant ma famille tout près de moi, y compris ma petite-fille, qui est toujours là pour me faire rire.
Comment percevez-vous votre corps ? Avez-vous l’impression que votre perspective diffère de celle de la société ? Comment cela vous influence-t-il et comment vous sentez-vous par rapport à vous-même aujourd’hui ?
En raison du fait que j’étais une enfant mince, ma perception est déformée ; car je perçois mon corps « normal » comme étant mince, et que c’est ce surplus de poids n’est que temporaire — et ça fait 45 ans que c’est temporaire. Le bon côté de la pensée magique est que j’ai une bonne estime de moi. J’ai porté mon maillot de bain à la plage, j’ai pu trouver du travail, j’ai eu des histoires amoureuses, ma famille m’aime et me soutient. Je me soucie rarement de ce que les autres pensent.
Comment les thèmes de l’image de soi, du poids et de la santé ont-ils été abordés lorsque vous étiez jeune ? Comment cela influence-t-il votre façon de penser et de parler du corps et du poids maintenant ?
En ce qui concerne la santé, notre famille avait tellement souvent des problèmes de santé, que nous allions jusqu’au point de plaisanter sur ce point et même faire des paris sur qui serait la prochaine personne hospitalisée pour l’Action de grâce. Ma mère avait un surplus de poids, cela la chicotait tellement, qu’elle portait toujours un manteau en public, ce même en été. Enfant, ma mère ne m’a jamais parlé de mon poids puisque j’étais mince, mais quand j’ai eu mes 20 ans, elle m’a emmené à son groupe de perte de poids parce qu’elle trouvait que je « grossissais ». Je mesure 1mètre 67 (5’6″) et je pesais 63 kg (140 livres).
Pouvez-vous me parler d’une situation où vous avez ressenti de la discrimination ou un jugement envers vous (ou pour une autre personne) en raison de votre poids ou de votre corpulence ? Et pourquoi cette expérience précise se démarque-t-elle dans votre esprit ?
Je me souviens d’avoir déposé un CV à la réception d’une entreprise. La réceptionniste, beaucoup plus jeune que moi, m’a demandé pour quel emploi je posais ma candidature, lorsque j’ai répondu, elle a ri. Puis elle a jeté mes papiers sur le bureau avec dédain au lieu de les mettre dans un dossier comme elle l’avait fait avec ceux des personnes avant moi. J’ai présumé qu’une fois partie, elle jetterait mon CV à la poubelle, présumant qu’une personne comme moi ne pourrait jamais faire le travail, ce peu importe mes années d’expérience dans ce domaine. Je me suis sentie tellement humiliée.
Si la crainte de la discrimination liée au poids était éliminée, à quoi ressemblerait votre vie ?
Si je n’étais pas à la retraite et que je cherchais un emploi, je serais très inquiet. Chaque fois que je commence à me faire des reproches au sujet de ma corpulence et de la façon dont je devrais être invisible pour ne pas être un fardeau. Ou lorsque je me dis que je ne devrais pas m’attendre à ce que le monde me traite avec respect au sujet de mon poids ; je me rappelle que j’ai le droit d’être ici et que si j’étais Dwayne Johnson (The Rock) ou un joueur de football célèbre, les gens trouveraient rapidement des moyens pour me mettre à l’aise.
Ressentez-vous que votre poids vous ait créé des obstacles ? Par exemple, avez-vous déjà abandonné une activité que vous aimiez vraiment à cause de votre poids ? Ou y a-t-il d’autres circonstances dans lesquelles votre poids a pu vous embarrasser ?
Récemment, j’essayais de me lever du canapé tandis que ma petite-fille rampait en direction de la porte et que sa mère était déjà rendue dans une autre partie de la maison. Le bébé s’est arrêté, s’est assis et a commencé à pleurer. Quand je l’ai rejointe, elle m’a regardée, les larmes coulant le long de son petit visage, et elle a levé les bras pour qu’on puisse la prendre. J’ai regardé, ce petit être minuscule et mon cœur s’est brisé, car j’étais incapable de me pencher pour l’attraper, car je suis trop grosse. Ceci n’est simplement qu’un autre de ces moments où la dévastation de cette maladie me frappe de plein fouet. J’hésite toujours avant d’aller dans un nouvel endroit, de peur que les meubles ne me soient pas adaptés pour moi. Le camping me manque, dormir sous la tente, m’asseoir sur une bûche près du feu de camp. Je m’ennuie de ne pas pouvoir voyager, être à l’aise dans un avion et dormir dans un lit d’hôtel plutôt que dans le lit réglable que j’ai à la maison. J’ai récemment entendu dire que les salles de bains des avions sont de plus en plus petites, ce qui me rend furieux. C’est ouvertement discriminatoire.
Comment vos opinions et vos croyances au sujet du poids influencent-elles la façon dont vous voyez les autres ? Pourquoi pensez-vous que c’est comme ça ?
Au fil des ans, j’ai réalisé à quel point il faut du courage et de la détermination pour simplement continuer, particulièrement lorsque le corps ou l’esprit ne fonctionnent pas bien, et ce peu importe la raison.
Selon vous, quelles seraient les idées fausses les plus courantes concernant l’obésité ? Comment pensez-vous que la stigmatisation contribue à ces idées fausses ?
L’une des nombreuses choses que les gens ne comprennent pas, c’est qu’une personne qui a un surplus de poids ne mange peut-être pas les énormes quantités de nourriture que certaines personnes peuvent lui reprocher. La prise de poids se fait tranquillement, et une fois qu’il est stabilisé, il n’a pas besoin de beaucoup de calories pour se maintenir. Et pour commencer, il en faut encore moins pour en perdre. Une autre chose est que toutes les personnes obèses ont de profonds problèmes émotionnels. Oui, plusieurs d’entre nous en ont, et beaucoup se réconfortent en mangeant, mais lorsque je regarde un jeune enfant avec un surplus de poids, je doute qu’il ait de graves problèmes émotionnels. En fait, mon gros chat non plus n’en a pas, dont le frère était très mince.
Si vous ressentez que votre poids est un problème pour vous, pouvez-vous nous parler du moment où vous avez l’avez réalisé ? Qu’est-ce qui a déclenché cette réaction ?
Je n’ai pas vécu d’incident dramatique. J’ai ressenti de la honte et de la déception lorsque j’ai dû commencer à acheter mes vêtements dans les magasins spécialisés.
Où voyez-vous le besoin d’organisme tel qu’Obésité Canada et qu’espérez-vous que nous puissions réaliser ensemble ?
Trois mots me viennent à l’esprit : communauté, stigmatisation, médicale. La plupart d’entre nous se sentent seuls, isolés et incompris. Je veux ressentir un sentiment d’appartenance à une communauté, qui fait face aux mêmes difficultés que moi, un endroit où je peux entendre d’autres et partager mes expériences. Deuxièmement, la stigmatisation est omniprésente, surtout à l’ère des médias sociaux et des inévitables commentaires désobligeants. Il y a désespérément un besoin d’éduquer le public. De lui faire savoir qu’il ne s’agit pas de gourmandise, de paresse ou de désintérêt pour notre santé. Ou de dire que nous devrions simplement utiliser notre volonté pour « manger moins et bouger plus ». Enfin, la communauté médicale doit également être éduquée. De manière à ce qu’ils réalisent que nous sommes là. Que nous méritons le respect et que nos besoins en matière de santé et d’espace (sièges, tables d’examen, brassards, etc.) devraient être pris en compte.