Le billet d’aujourd’hui est rédigé par Ian Patton, Ph.D. Ian est le directeur de l’engagement public et du plaidoyer pour Obésité Canada.
Au cours des dernières semaines, nous avons eu une tonne d’attention et de discussions dans les médias concernant le lancement des nouvelles lignes directrices sous le titre anglais « Canadian Adult Obesity Clinical Practice Guidelines (CPGs) » avec également un résumé disponible en français intitulé : « L’obésité chez l’adulte : ligne directrice de pratique clinique ». Cela a suscité une attention extrêmement positive, démontrant que le changement est dans l’air, et que les gens sont ouverts à apprendre les faits concernant cette maladie. S’il y a bien une chose que les gens peuvent retenir de l’analyse de ces 550 000 articles scientifiques et plus pour réaliser l’élaboration de ces lignes directrices ; c’est qu’il n’y a plus de débat, l’obésité est une maladie. Ce n’est pas juste un facteur de risque, ou le résultat de mauvaises habitudes. Ce n’est ni une question de volonté ou ni un constat d’échec personnel.
Nous savons cela grâce à la manière dont notre corps a évolué et à la manière dont il fonctionne. Notre corps est conçu pour, et assez efficace à, se défendre contre une perte de poids. Sur le plan biologique, une perte de poids est considérée comme étant une atteinte à la survie, ainsi notre corps y réagit rapidement et avec force. Nous savons que la régulation pondérale est menée par le cerveau, incluant un certain nombre d’hormones qui régulent la faim, la sensation de satiété, les fringales, etc. Nous savons aussi que le tissu adipeux est un organe endocrinien complexe qui influence la santé et qui, comme tout autre tissu, peut devenir dysfonctionnel. Nous savons que la génétique joue un rôle majeur dans l’obésité, ainsi que les environnements, la psychologie, et bien d’autres choses encore. Les lignes directrices redéfinissent l’obésité de manière plus adéquate, c’est-à-dire en tant que maladie progressive, récurrente et chronique alors que l’excès ou anormalité de tissu gras (d’adipocytes) nuit à la santé. Ceci est important. Cette définition clarifie qu’à elle seule, la corpulence n’est pas synonyme de santé. Grâce à cette définition, il est maintenant possible de distinguer adéquatement entre une personne ayant de l’obésité avec des problèmes de santé et une personne qui vit simplement dans un corps plus volumineux. Vous pourriez également avoir la situation inverse, c’est-à-dire une personne qui serait classée comme ayant un « poids normal » selon l’IMC, mais chez qui, ont aurait néanmoins diagnostiqué correctement la maladie de l’obésité, si elle avait un excès ou une anormalité de gras qui nuirait à sa santé (par ex. : d’adipocytes autour des organes).
Nous savons aussi que le fait de considérer l’obésité comme étant une maladie chronique est l’un des outils les plus puissants dont nous disposons pour réduire et éliminer les préjugés et la discrimination liés au poids. Si chacun modifiait sa conception de l’obésité de manière à s’aligner avec la science dont nous disposons actuellement, et la traitait en maladie chronique qu’elle est ; alors nous serions traités avec la même dignité et le même respect accordés à tous les autres. Nous cesserions d’avoir honte et d’être blâmés, maltraités et intimidés. Nous disposerions ainsi d’espace pour vivre notre vie plus sainement, en contrôlant ce que nous pouvons, tout en obtenant également le soutien nécessaire pour gérer les aspects de cette maladie qui échappent à notre contrôle.
En tant que patient/militant, je ne saurais vous dire la quantité de personnes avec lesquelles j’ai interagi et qui ont été à la fois soulagées et ressenties un sentiment de libération en apprenant ces informations. Quand nous comprenons que la raison pour laquelle nous nous sommes débattus et pour laquelle notre santé a été affectée n’est pas de notre faute. Que les régimes yo-yo que nous avons tous expérimentés, n’était pas une démonstration de nos échecs, mais bien au contraire, une réaction biologique naturelle à cette maladie ; c’est une lourde charge sur nos épaules qui disparaît. Lorsque nous réalisons que la nature est prédisposée à une diversité de corpulences et de tailles et, qu’une évaluation grossière telle que l’IMC n’a jamais été conçue pour être utilisée auprès des individus tels que nous le faisons aujourd’hui ; nous sommes en droit de rejeter ces normes sociétales de minceur. Plus importants encore, nous pouvons dès lors commencer à croire que nous sommes dignes de tous les droits et du respect que l’on accorde à tous les autres individus, et que nous pouvons exiger mieux.
Il existe pourtant un groupe de personnes qui combattent cette notion de l’obésité en tant que maladie. Nous pourrions les nommer les « négationnistes de l’obésité ». Ancrés dans la noble cause de la lutte pour l’acceptation des corps et l’élimination des préjugés liés au poids, les négationnistes de l’obésité veulent que nous oubliions la question de la perte de poids, de manière à nous concentrer sur la santé, et ce, tout en aimant le corps dans laquelle nous sommes. De loin, je peux m’y rallier – puisque ce sont toutes des choses auxquelles je veux et pour lesquelles je me bats. Toutefois, si vous examinez de plus près, je crains que ces groupes ne fassent plus de tort à la cause, que de bien . Selon leur opinion, même le mot « obésité » est stigmatisant. Bon, si vous envisagez l’obésité comme étant simplement le poids ou la taille du corps, alors oui, je peux le comprendre. Mais lorsque vous concevez l’obésité en tant que maladie chronique complexe qu’elle est, ce n’est tout simplement plus le cas. Ils combattent férocement aussi l’aspect de la « médicalisation de l’obésité ». Par conséquent, toute tentative de remédier à l’obésité, tant par le truchement d’un traitement ou d’une gestion est une attaque contre les personnes grasses, ce qui perpétue les préjugés. Encore une fois, cela revient à la compréhension rudimentaire de la notion d’obésité ou de poids = santé. S’ils écoutaient ce que dit la science et comprenaient la distinction entre obésité et corpulence, cela ne serait pas un problème.
Plusieurs des personnes qui adhèrent au récit des négationnistes de l’obésité essaient d’empêcher les individus de rechercher l’aide dont ils ont besoin pour vivre leur vie encore plus sainement. Ces personnes essaient de nous dire ce que nous devrions faire, ou ne pas faire, et ce, à partir d’une position privilégiée. Plusieurs d’entre eux n’ont pas vécu avec la maladie chronique, que J’AI comme tant d’autres, et pourtant, ils pensent avoir le droit de nous dire comment nous devrions gérer notre santé, ce même lorsque la science N’est particulièrement PAS de leur côté. Les négationnistes de l’obésité, dans leur tentative de lutter contre les préjugés liés au poids, privent directement plusieurs personnes de la population pour laquelle ils prétendent se battre. Pour moi, c’est contre-productif. Les efforts des négationnistes de l’obésité contribuent directement à la stigmatisation associée aux traitements prouvés et fondés sur les preuves de l’obésité. En agissant ainsi, ces groupes influencent à la fois le moment et la manière dont les personnes vivant avec l’obésité gèrent leur maladie. Cette stigmatisation, qu’ils perpétuent, entraîne l’évitement des soins de santé, retarde la gestion et augmente la progression de la maladie inutilement.
J’étais en train de mourir. Je pouvais ressentir le gras qui aspirait la vie hors de moi. Si je me serais contenté d’essayer d’« aimer la peau dans laquelle je me trouvais » tout en embrassant mon corps gras ; je serais mort. J’étais malade et il me fallait chercher un traitement approprié, basé sur des preuves pour survivre. Suggérer que je fasse n’importe quoi d’autre est de l’ignorance, et se battre pour éliminer l’accès à de tels soins est contraire à l’éthique et est préjudiciable en soi. Pour être franc, le mépris flagrant envers les tonnes de preuves accumulées réduit la position des négationnistes de l’obésité au niveau des controverses concernant la vaccination ou celle de la terre plate… tout simplement idiot, mais dangereux.
Je me bats pour l’équité, l’égalité, le respect et la dignité. Je me bats pour mettre fin aux préjugés liés au poids. Je me bats pour l’accès aux soins et aux traitements. Mais ce que je ne dis jamais à quelqu’un, c’est de la manière dont il.elle doit gérer sa santé ou ce qui est le mieux pour eux. Je ne connais pas leur situation, elle est probablement très différente de la mienne, ce n’est pas ma place de dire ce qui est bon pour eux. La seule chose que nous devrions faire est de partager les informations qui sont fondées sur les preuves, et ce afin que nous puissions tous faire des décisions en connaissance de cause. J’aimerais que les négationnistes de l’obésité m’accordent cette même courtoisie.