À 36 ans, je suis maintenant rendue responsable du marketing de contenu pour une agence de création le jour et une mère de quatre enfants (âgés de 16 à 6 ans) la nuit. Je me considérerais désormais comme une personne socialement extravertie, vraiment passionnée par la vie. Lors de mes temps libres, vous pouvez me retrouver dans mon studio maison où je travaille aussi en tant que photographe portraitiste, essayant de capturer la personnalité des petites (et les pas si petites) personnes que je photographie.
Comme si ma vie n’était pas assez remplie, je suis aussi bénévole pour Obésité Canada, au sein du conseil d’administration du chapitre d’Halifax, en tant que porte-parole des patients. Je participe également à des recherches à l’Université Dalhousie, où nous cherchons à améliorer les lignes directrices en matière de soins de l’obésité chez les femmes enceintes.
Vous vivez vous-même avec l’obésité, mais vous avez connu beaucoup de succès ces dernières années. Pouvez-vous partager votre histoire avec nous?
Mon parcours en tant que personne vivant avec l’obésité a commencé lors de ma première grossesse. J’y ai pris près de 100 livres. J’ai combattu avec l’idée de vivre une vie en surpoids, car je croyais qu’une fois que tout aurait été dit et fait, et que le bébé serait né, il me serait facile de retourner à mon corps d’avant ma grossesse. En fait, je pensais que la perte de poids serait rapide ! J’avais l’intention d’allaiter, d’être active avec le bébé et je croyais vraiment que j’allais réussir. Mais, comme la plupart peuvent l’imaginer, ce ne fut pas le cas. J’ai souffert d’une grave dépression post-partum après la naissance de mon fils Jacob, et j’ai continué à prendre du poids pendant plusieurs mois après sa naissance. Les antidépresseurs, combinés à une énergie minimale due au manque de sommeil et à une activité physique presque nulle, ont tous contribué à un gain de poids substantiel. Il est important de souligner que je n’avais jamais eu de problème de poids par le passé, que j’avais vécu une enfance active. Tellement, que je pratiquais un sport de compétition, ce dès mon plus jeune âge. Donc, l’idée d’avoir un important surplus de poids et de ne pas savoir par où commencer était une pilule difficile à avaler.
Depuis, j’ai eu trois autres enfants, tous en bonne santé (bien que je n’ai pas pris autant de poids qu’à ma première grossesse), celles-ci ont néanmoins a laissé des traces après chacun des enfants. Chaque fois, mon gain de poids se situait en dehors de la fourchette « normale » pour une grossesse. Mais pour être honnête, j’avais encore la même conviction, soit : si je travaillais plus fort pour perdre du poids, je réussirais. C’est ainsi que pour les 14 années qui suivirent, j’ai continuellement suivi des régimes, essayant de perdre chacun des kilos que j’avais pris.
J’ai essayé tous les régimes sur le marché, de Weight Watchers à Slim Fast, en passant par South Beach, de ceux sans glucides à ceux avec tellement trop, et sans oublié la Méditerranée… Nommez-en un, je l’ai essayé. Parfois, j’adhérais avec engouement au régime auquel je participais. Parfois, je perdais du poids, mais en fin de compte, je le reprenais encore plus rapidement, que le temps et les efforts qu’il fallait pour le perdre au départ. C’était comme si les régimes amaigrissants allaient toujours faire partie de qui j’étais.
Au fil des ans, j’étais de plus en plus gênée de manger devant d’autres personnes, même avec des membres de ma famille ou des amis proches. Car, j’avais l’impression que les gens me jugeaient sur mes choix alimentaires – au point que j’évitais presque toutes les réunions sociales où la nourriture pouvait être en jeu ! J’ai essayé de compenser pour ça, en me moquant de mon poids, en faisant des blagues à mes propres dépens. Il est important de noter que je n’ai jamais fait le lien entre mon surpoids et ma santé ou mon bien-être en général. Pour moi, être en surpoids est devenu un problème esthétique, alors qu’en réalité, mon corps criait à l’aide.
Puis, vivre avec l’obésité a dramatiquement eu un impact sur ma santé globale, tant physique que mentale. Bien que j’aie souvent soulevé la question de mon poids avec mon médecin de famille ; chaque fois, j’étais confronté au même discours : « Crystal, c’est une équation simple. Il faut manger moins et faire plus d’exercice ! » Et, chaque fois que j’entendais ces mots, immédiatement je ressentais la honte. Comme si, j’étais l’échec. Parce que si c’était une équation si simple, pourquoi ne réussissais-je pas le faire ?
C’est en 2015 que j’ai eu mon moment « Euréka ». Avant d’aller plus loin, je dois dire que j’ai l’incroyable chance d’avoir une mère qui est infirmière, éducatrice en diabétologie (qui est maintenant certifiée en tant qu’éducatrice en obésité). C’est elle qui a commencé à changer la direction de la conversation avec moi concernant le poids, en abordant la question de l’obésité en tant que maladie chronique. Ma mère et moi parlions longuement des différentes options disponibles qui s’offraient à moi pour gérer mon obésité. De la pharmacothérapie aux thérapies comportementales, de nombreuses options m’étaient disponibles sur le marché, il ne me restait plus qu’à trouver le bon soutien pour m’aider dans cette aventure.
J’ai finalement trouvé ici, à Halifax, une médecin de famille qui était certifiée en obésité. C’est à ce moment-là que mon voyage s’est transformé, d’un combat, il est devenu une aventure vers la santé et le bien-être. Elle a su m’écouter, elle m’a vraiment entendue. Elle m’a élaboré un plan de traitement qui englobait à la fois la pharmacothérapie et la thérapie comportementale, ce qui m’a fourni un soutien constant dont j’avais besoin pour réussir. Elle m’a aidée à établir des attentes réalistes, ce qui m’a permis de perdre du poids de façon durable et a le long terme. Mon plan a changé avec le temps. J’ai rencontré des obstacles, mais mon équipe de soutien était là pour m’aider à les surmonter – si mon aventure prenait un virage, ils étaient là, prêts m’aider à ouvrir de nouvelles pistes avec moi.
Mon équipe de soutien a su m’aider à me concentrer sur ma santé globale, et non plus uniquement sur mon poids. Ce n’était plus un jeu de chiffres, mon succès n’était désormais plus déterminé par une échelle. Plus mon équipe de soutien m’encourageait et m’écoutait ; plus je voyais le succès et plus je me sentais en pleine possession de mes moyens.
Mon succès m’a tout de même laissé un peu un goût doux-amer, car ma frustration grandissait, lorsque je me suis aperçue que près de moi, d’autres personnes (qui vivent également avec l’obésité) n’avaient pas accès aux mêmes types de réseaux de soutien que moi, particulièrement ici en Nouvelle-Écosse.
Croyez-vous que votre aventure est maintenant terminée?
Non, c’est même bien loin de ça ! Car bien que j’aie constaté une perte de poids importante, ainsi que des résultats positifs sur le plan de la santé physique et mentale ; l’obésité est une maladie chronique qui requiert une prise en charge à vie. Ce sera quelque chose que je devrais toujours gérer. Cependant, ce que je sais, c’est qu’avec les bons outils et le bon soutien, il EST possible de la gérer et de mener une vie saine.
Selon vous, quelles seraient les idées fausses les plus courantes concernant l’obésité?
Mon idée fausse idée préférée, est celle où lorsque les gens pensent que l’obésité n’est causée que par la seule consommation d’aliments. Ce que nous savons de l’obésité, c’est qu’il existe de nombreux autres facteurs qui y contribuent, tels les facteurs biologiques, psychologiques et situationnels. Ceux-ci contribuent au poids d’une personne et à sa capacité à le gérer.
Mon autre idée fausse préférée est celle où les gens croient qu’il n’y a qu’une seule et unique solution à l’épidémie d’obésité. Il y a tellement d’entreprises qui annoncent que leur régime alimentaire, leur pilule ou leur exercice est « le sauveur ». On ne peut pas être plus loin de la vérité. Le traitement de l’obésité est tellement individuel à chacun de nous, et pensez-y, nous sommes faits différemment. Certaines personnes seront réceptives la thérapie comportementale utilisée seule, et d’autres non. Certaines personnes réagiront bien aux médicaments, tandis que d’autres non. Alors, pourquoi un régime ou un plan de perte de poids serait-il à lui seul, LA solution?
Comment pensez-vous que nous pourrions changer ces idées fausses, et où pensez-vous que nous allons maintenant en ce qui concerne l’éducation au sujet de l’obésité?
Premièrement, je crois que l’éducation est la clé. Plus nous en savons, plus nous pouvons maîtriser la situation en tant que patients, professionnels de la santé, etc. Je pense aussi qu’en éduquant les gens au sujet de l’obésité, nous commençons à pouvoir éradiquer la stigmatisation associée à l’obésité. Cela en brisant les barrières sociales auxquelles font face de nombreuses personnes vivant avec l’obésité. Qu’il s’agisse de discrimination sur les lieux de travail, de préjugés au sein du système de santé ou même dans notre vie personnelle, plus nous partageons et parlons d’obésité, mieux cela vaudra.
En ce qui concerne l’éducation des gens en général sur le thème de l’obésité en tant que maladie chronique, nous devons nous faire entendre davantage. En tant que société, nous devons amorcer le dialogue avec nos décideurs et faire pression sur nos gouvernements pour que tous les Canadiens puissent avoir un meilleur accès aux soins de l’obésité. Ceci est un élément clé pour faire en sorte qu’à l’avenir, ces options de traitement ne soient pas uniquement offertes qu’à un petit nombre de personnes. Saviez-vous qu’il n’y a que 2 professionnels de la santé certifiés en obésité qui pratiquent dans toute la ville d’Halifax, et seulement 45 à travers tout le Canada ? Cela doit changer. En poursuivant la conversation et en nous faisant encore plus entendre, nous changeons le paysage des soins de l’obésité dans ce pays. Je suis moi-même passionnée par le fait d’avoir cette voix et d’être entendue ! Je veux également que les autres sachent qu’ils ne sont pas seuls. Je veux leur dire que peu importe le nombre de fois qu’ils ont essayé ou même échoué, avec le bon soutien et l’éducation appropriés, il est possible d’atteindre votre poids optimal et de gérer votre obésité!