Gestion de l’obésité et populations autochtones
L’analyse de l’obésité en fonction de multiples facteurs concomitants : facteurs de santé, socio-économiques, environnementaux et culturels, puis en situant ceux-ci dans le contexte structurel spécifique des cadres politique/juridique aux membres des peuples autochtones (p. ex. le financement en santé fédéral comparativement à ceux des provinces), cela peut faciliter l’émergence de possibilités en matière de gestion. Ces contextes permettent de mettre en évidence les tensions dans lesquelles les professionnel.le.s de santé doivent naviguer, entre les facteurs de l’obésité ancrés dans les inégalités sociales et systémiques, et ceux favorisant la guérison grâce aux relations sociales et aux approches culturellement contextualisées des soins de la santé. Les professionnel.le.s de la santé devrait prendre en considération les facteurs contextuels suivant lorsqu’ils/elles offrent des soins concernant l’obésité pour les membres des communautés autochtones:
- Les inégalités structurelles (d’origine sociales et systémiques) sont imbriquées tant dans la santé, l’éducation, les services sociaux et dans d’autres systèmes, ce qui maintient en désavantage social une grande partie des membres des communautés autochtones. Ces inégalités influencent la sécurité alimentaire, à titre d’exemple, des salaires minimums perpétués par une éducation inaccessible, ajoutez à l’équation les coûts élevés de la nourriture, et ce tant en milieu urbain qu’en régions éloignées ou de l’accès limité aux ressources pour les activités de base, et ce tant au point de vue individuel, qu’en milieu communautaire. Les gens issus des peuples autochtones ont subi des désavantages systémiques tout au long de leur vie, et ce, tant pour eux-mêmes que pour les membres de leur famille, ce qui produis des effets cumulatifs concernant l’obésité. Dans un contexte autochtone, l’obésité est par conséquent profondément affectée par les réponses aux stresseurs pénétrants, puisque les personnes doivent naviguer entre les barrières sociales et systémiques pour atteindre leurs buts.
- Le stress accablant dû aux facteurs sociaux (par ex. la discrimination) et à l’exclusion systémique (par ex. les soins de santé primaires insuffisants ou absents) peut enlever tout pouvoir aux membres des peuples autochtones de maintenir des comportements sains. Certains patient.e.s peuvent sembler résister aux recommandations de santé, alors avec les professionnel.le.s* de la santé, ils peuvent en venir à ressentir un sentiment de fatalité quant à leurs capacités de s’attaquer à l’obésité. Des professionnels de la santé interprètent souvent l’incongruité du patient en lien avec les recommandations sous un angle erroné, en étiquetant ce patient comme un cas de « non-conformité » ou de « non-observance ». Cette non-concordance ou cette apathie apparente peut en fait, être un sentiment de paralysie face à un stress écrasant.
- Explorer la réalité sociale du patient, peut ouvrir des possibilités d’approches contextualisées de la gestion de l’obésité.
- Réfléchir aux présomptions concernant l’apathie apparente des patients peut mettre en contexte leurs motivations, tandis qu’une introspection approfondie de nos propres perceptions, attitudes et comportements à l’égard des patients issus des peuples autochtones peut révéler un sentiment anti-autochtone implicite tant au sein de nos milieux de pratiques, que de ceux des systèmes de soins de santé.
- La validation du vécu des patients en matière d’inégalités peut permettre d’habiliter, à la fois les patients et les professionnels de santé, à identifier les étapes pour aborder les facteurs sociaux qui influencent les comportements en matière de santé.
- LA CULTURE ET LES RELATIONS AMICALES FACILITENT L’APPRENTISSAGE DE CONNAISSANCES COMPLEXES. L’interaction entre l’obésité et les facteurs structuraux concomitants constitue une connaissance complexe, celle-ci est essentielle pour que les patients puissent acquérir une compréhension fine de leur état de santé. Certains professionnels de santé non autochtones peuvent avoir des façons le savoir et l’agir, qui peuvent être incohérentes avec la perspective des patients issus des peuples autochtones à propos des connaissances en santé et de la manière dont celles-ci devraient être transmises. La gestion de l’obésité, dans ce contexte, nécessite une approche longitudinale axée sur des rapports de manière à entreprendre et à explorer les interactions avec les facteurs coexistants, et ce, afin de construire la connaissance et la confiance de manière à s’aligner avec les principes autochtones de la communication.
- Établir des liens : Lorsque les patients entrent en relation avec les professionnels de la santé à propos de leurs besoins concomitants en santé, il y a des interactions complexes entre les structures larges et leur santé. La relation thérapeutique peut être un soutien crucial lorsque la connaissance est transmise de manière pertinente et crée du sens pour le patient.
- Bâtir la confiance : Guérir de la relation thérapeutique en elle-même est fondamentale pour s’impliquer et pour soutenir les patients dans un contexte de traumatismes multigénérationnels, pour explorer les intersections complexes en lien avec la santé et les changements comportementaux en matière de santé.
- Différentes visions du monde : Les concepts occidentaux de saines habitudes liées à la gestion de l’obésité, y compris les préférences corporelles, les activités et l’alimentation, peuvent être dissonants avec les perspectives autochtones. Les patients peuvent ne pas s’identifier avec les perspectives des professionnels de la santé, et ces derniers ne doivent pas présumer que les patients partagent leur vision du monde ou leurs principes à propos de la manière de communiquer les connaissances de santé. Des perspectives dissonantes peuvent impliquer un sens distinct, concernant l’assise de contrôle, l’auto-efficacité et les manières de parler du parcours menant à l’obésité et celui d’en sortir. L’approche autochtone concernant l’échange de connaissances inclus une contextualisation des connaissances dans le monde du patient et utilise d’un fondement narratif ainsi qu’une approche indirecte pour le partage des connaissances.
* N.-B.: L’utilisation du genre masculin a été adoptée pour le reste du texte afin de faciliter la lecture et n’a aucune intention discriminatoire.
Nous suggérons ce qui suit aux professionnels de la santé qui soignent des personnes autochtones atteintes d’obésité (Niveau 4, catégorie D, consensus†):
- Se familiariser avec les réalités sociales de ces patients.
- Valider leurs expériences de stress et les préjudices systémiques qui peuvent nuire à leur santé et aggraver l’obésité en explorant les dimensions de leur environnement où une réduction du stress faciliterait les changements de comportements.
- Promouvoir l’accès à des ressources de gestion de l’obésité dans les systèmes de santé publics, car les autres ressources pourraient être inabordables ou inaccessibles pour plusieurs.
- Aider ces patients à reconnaître qu’ils peuvent retrouver un bon état de santé et qu’ils y ont droit.
- Négocier le parcours par petites étapes réalistes, en tenant compte des conditions de vie du patient.
- Combattre la résistance, l’apathie et l’inertie apparentes des patients et des professionnels de la santé.
- Réfléchir aux préjugés fréquents envers les Autochtones dans le système de santé en explorant leurs motivations et en évaluant leur état de santé mentale (p. ex., traumatisme, deuil) pour avoir un autre point de vue sur les causes de leurs problèmes de santé et les solutions envisageables. Explorer la possibilité des préjugés personnels dans un contexte de racisme systémique.
- S’attendre à la méfiance du patient envers le système de santé; se repositionner en tant que collaborateur plutôt qu’en tant qu’expert pour vaincre la résistance et abolir cet obstacle au bien-être.
- En cas de résistance et d’apparente apathie ou inertie, explorer les besoins du patient sur le plan de la santé mentale et émotionnelle; ces besoins ont des origines et des formes particulières dans plusieurs milieux autochtones.
- Contribuer à l’acquisition de connaissances complexes par le biais d’un lien thérapeutique.
- Aider au développement des connaissances et des habiletés du patient en matière d’autogestion de l’obésité par l’analyse longitudinale des facteurs médicaux, sociaux, environnementaux et culturels en jeu. Tenter d’établir un lien thérapeutique pour favoriser la guérison d’un traumatisme multigénérationnel qui, avec le lourd passé des orphelinats et du système de protection de la jeunesse, peut souvent avoir inclus des agressions sexuelles.
- Contribuer à élargir leurs propres connaissances sur les répercussions de la colonisation sur la santé, y compris sur les expériences de discrimination systémique et sociale générale envers les Autochtones, afin de favoriser des liens reposant sur une compréhension mutuelle.
- Veiller à fournir des informations qui sont au diapason avec le patient et son niveau d’instruction, centrées sur l’apprenant, en tenant compte du risque qu’il anticipe une attitude raciste ou un traitement inégal.
- Être réceptif au comportement, à la présence physique et aux façons autochtones de connaître, d’agir et d’être.
- Explorer et intégrer les concepts de santé et d’hygiène de vie propres au patient et à sa communauté en lien avec la morphologie, l’activité et les préférences alimentaires (p. ex., préférence pour des aliments et des activités liées au territoire et difficultés d’y accéder).
- S’engager sérieusement à explorer les valeurs et les principes communs de communication et de partage des connaissances en milieu autochtone (p. ex., relationalisme, non-interférence).
†Pour le barème de classification et de force des données probantes, voir l’encadré no 3. Tandis que le tableau 3 fournit la définition des verbes d’action utilisés dans ces recommandations. Voir le résumé francophone du CMAJ à l’adresse suivante https://www.cmaj.ca/content/suppl/2020/07/27/192.31.E875.DC1
Il y a une forte relation entre le stress, la santé et l’obésité. S’attaquer aux stresseurs est une part importante pour être en santé.
- Les causes de l’obésité sont complexes; avec des éléments personnels et des facteurs historiques incluant la colonisation et l’expérience des pensionnats qui ont affecté les membres des communautés autochtones. Recherchez les occasions pour parler avec vos professionnel.le.s* de la santé, votre famille et avec votre communauté au sens large afin de construire une compréhension de ces causes et de révéler les chemins menant à votre santé et à votre bien-être.
- Aborder les problèmes de stress et d’autres douleurs émotionnelles de votre vie peut être protecteur contre l’obésité. Il est important pour vous que vous exploriez, identifiez et abordiez les causes du stress dans votre vie, et ce, aux niveaux personnel, social ainsi que celles issus du système en général. Recherchez du soutien auprès de personnes en qui vous avez confiance, y compris auprès de vos professionnels de la santé. Les médecins, les infirmières, les diététiciens et les travailleurs sociaux peuvent être des ressources précieuses pour votre guérison, mais aussi pour l’accès aux connaissances.
- L’une des manières de guérir des blessures du passé consiste à franchir de petites étapes réalisables. Ceci peut influencer positivement la santé, tout en favorisant un poids corporel plus sain.
- Les ressources communautaires sont importantes dans ce processus. Cherchez à (re)nouer avec les activités communautaires favorisant des comportements sains (par ex. : les activités de groupe, la préparation d’aliments traditionnels, les jardins communautaires).
- En raison de la colonisation et de l’exclusion sociale, les membres issus des peuples autochtones expérimentent d’importants stress faisant obstacles au bien-être global et ce, tant au niveau mental qu’émotionnel. Les bouleversements culturels et communautaires provoqués par la colonisation complexifient les causes déjà complexes de l’obésité pour les membres des peuples autochtones. En apprendre plus au sujet des causes et des possibles solutions concernant les facteurs de stress tant aux niveaux personnel, social et systémique, est important pour prévenir et de gérer l’obésité, puisque cela peut vous permettre de relier des occasions pour être soutenu.
* N.-B.: L’utilisation du genre masculin a été adoptée pour le reste du texte afin de faciliter la lecture et n’a aucune intention discriminatoire.
* N.-B.: L’utilisation du genre masculin a été adoptée pour le reste du texte afin de faciliter la lecture et n’a aucune intention discriminatoire.
** Notez que nous avons traduit les messages clés, ainsi que les recommandations issues des lignes directrices; tandis que les chapitres complets et le matériel complémentaire sont disponibles uniquement en version originale anglophone.